Né le 24 juin 1519 à Vézelay et mort le 13 octobre 1605 à Genève, Théodore de BEZE est un humaniste, théologien protestant, traducteur de la Bible, professeur, ambassadeur et poète.
Nivernais
> Extrait d’une œuvre de jeunesse intitulée « Poemata » <
Si, divine Vénus, l’océan t’enfanta autrefois, si la puissance de Vénus est connue de la mer insensible, ne m’abandonne pas, n’abandonne pas un homme jeté dans cet abîme, Déesse : voici que, trempé, je suis vaincu de tous côtés par les flots au fracas rauque. Tu demandes où sont les vagues, où est le cruel océan ? Nulle part, mais la mer qui me tourmente, la terre elle -même m’y expose.
Pauvre de moi ! Quoique bien loin de l’onde limpide, je suis emporté, naufragé moi-même, par une houle imaginaire !
Pauvre de moi ! Que dis-je : « imaginaire ? » Elle est on ne peut plus réelle, cette onde qui me nuit ; elle n’a rien d’inventé. Nulle part je ne vois l’onde, et pourtant, l’onde m’entoure. Apparemment, je cours, bien au sec, et en réalité je nage dans la mer. Voilà que je m’y reprends : pourquoi ai-je dit « au sec ? »
Visiblement, le peu de puissance qu’avait mon esprit est mort et enterré. De là vient que je suis contraint si souvent de changer ma pensée première ; Et ma muse est habile pour ce qui est de me fausser compagnie.
Vous, mes yeux en pleurs, vous fournissez un fleuve à mon vaisseau, elle vole, la malheureuse barque, portée par ce fleuve. Et le vent ne manque pas ! Le vent, mes soupirs le fournissent : ils conduisent cette barque éventrée à sa perte.
A quoi bon parler de mes tourments silencieux, de ma passion aveugle ?
Les tourments me donnent des rames, la passion, des voiles. L’espoir est, de mon misérable esquif, le gouvernail. L’espoir, le meilleur des dieux, l’espoir, seul remède que j’aie trouvé à mes maux.
L’ancre, ce sont les paroles tirées de mon humble cœur, et pourtant c’est à peine si elles retiennent les eaux furieuses.