Édouard GLISSANT

Né le 21 septembre 1928 en Martinique, Édouard GLISSANT est mort le 3 février 2011 à Paris. Il est un romancier, poète et philosophe français qui a obtenu le prix Renaudot en 1958 pour son roman La Lézarde.

> Extrait de « La Terre le feu l’eau et les vents«  <

Avec des larmes, ô grand esprit, grand esprit, mon père suprême – avec des larmes je viens vous dire que l’arbre n’a jamais fleuri. Vieil homme pitoyable, vous me voyez ici ; j’ai tout manqué, je n’ai jamais réussi. Ici, au centre du monde où vous m’avez conduit quand j’étais jeune, où vous m’avez instruit, me voilà devenu vieux et l’arbre a dépéri, père suprême, mon père suprême !
À nouveau et peut-être pour la dernière fois sur cette terre, je vous rappelle la grande vision que vous m’avez envoyée. Il se peut qu’une petite racine de l’arbre sacré vive encore. Nourrissez-la, que l’arbre fleurisse et s’emplisse du chant des oiseaux ! Écoutez-moi, non pour moi-même, mais pour mon peuple. Je suis vieux. Écoutez-moi afin qu’ils puissent retrouver la bonne piste rouge, l’arbre qui protège !
Dans ma détresse, je vous envoie ma faible voix, ô Six Pouvoir du Monde ! Écoutez-moi dans ma détresse, car il se peut que plus jamais je ne vous rappelle. Ô faites que mon peuple vive !