Né le 31 mai 1887 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et mort le 20 septembre 1975 à Hyères (Var), Alexis LEGER, dit SAINT-JOHN PERSE, est un poète, écrivain et diplomate français, lauréat du prix Nobel de littérature en 1960.
En marge des mouvements littéraires de son époque, sa poésie, en versets, est réputée pour son hermétisme, mais aussi pour sa force d’évocation.
> Extrait du recueil « Oiseaux » (1962) <
Oiseaux, lances levées à toutes frontières de l’homme !…
L’aile puissante et calme, et l’œil lavé de sécrétions très pures, ils vont et nous devancent aux franchises d’outre-mer, comme aux Échelles et Comptoirs d’un éternel Levant. Ils sont pèlerins de longue pérégrination, Croisés d’un éternel An Mille. Et aussi bien furent-il « croisés » sur la croix de leurs ailes…
Nulle mer portant bateaux a-t-elle jamais connu pareil concert de voiles et d’ailes sur l’étendue heureuse ?
Avec toutes choses errantes par le monde et qui sont choses au fil de l’heure, ils vont où vont tous les oiseaux du monde, à leur destin d’être créés… Où va le mouvement même des choses, sur sa houle, où va le cours même du ciel, sur sa roue – à cette immensité de vivre et de créer dont s’est émue la plus grande nuit de mai, ils vont, et doublant plus de caps que n’en lèvent nos songes, ils passent, nous laissant à l’Océan des choses libres et non libres…
Ignorants de leurs ombres, et ne sachant de mort que ce qui s’en consume d’immortel au bruit lointain des grandes eaux, ils passent, nous laissant, et nous ne sommes plus les mêmes. Ils sont l’espace traversé d’une seule pensée.
Laconisme de l’aile ! ô mutisme des forts… Muets sont-ils, et de haut vol, dans la grande nuit de l’homme. Mais à l’aube, étrangers, ils descendent vers nous : vêtus de ces couleurs de l’aube – entre bitume et givre – qui sont les couleurs mêmes du fond de l’homme… Et de cette aube de fraîcheur, comme d’un ondoiement très pur, ils gardent parmi nous quelque chose du songe de la création.
> Extraite d' »Anabase » : une chanson « Arbre » <
Mon cheval arrêté sous l’arbre plein de tourterelles, je siffle un sifflement si pur qu’il n’est promesses à leurs rives que tiennent tous ces fleuves.
Feuilles vivantes au matin sont à l’image de la gloire et ce n’est point qu’un homme ne soit triste. Mais se levant avant le jour et se tenant avec prudence dans le commerce d’un vieil arbre, appuyé du menton à la dernière étoile. Il voit au fond du ciel à jeun de grandes choses pures qui tournent au plaisir.
Mon cheval arrêté sous l’arbre qui roucoule. Je siffle un sifflement plus pur et paix, à ceux, s’ils vont mourir, qui n’est point vu ce jour. Mais de mon frère le poète, on a eu des nouvelles. Il a écrit encore une chose très douce et quelques uns en eurent connaissance.