Né en 1967 à Rouen, Nicolas RAGU auteur, comédien, metteur en scène, navigue dans le théâtre depuis 25 ans.
Il s’intéresse aux mécanismes inconscients, l’imprégnation et tout ce qui échappe à la volonté. Son dernier livre publié début 2023 « Escalader les Nuages » lui a été inspiré sa fille à six mois dans sa poussette.
> Extrait de « Escalader les Nuages » <
« Il y a eu ce moment aussi, quand j’ai plongé dans le ciel.
Quand j’ai vu la terre se rapprocher, grossir, prête à m’absorber.
C’est là qu’est née ma perception de la relativité.
L’approche vertigineuse de la mort, la relativité de l’existence.
Mourir sans avoir compris la vie.
Et l’urgence. L’urgence de vivre chaque chose.
J’ai vu l’homme à la poussette, je l’ai vu, il ressemblait au brancardier. Mais dans la poussette, le bébé était noir. Où suis-je partie en confusion ? À quel moment mes souvenirs se sont-ils transformés en souvenirs acquis, nourris de ce que j’ai entendu plus que de ce que j’ai vu ? Dans quel éclat de rêve mes souvenirs se sont-ils reflétés ?
Je n’ai rien amorti, rien géré. J’ai cru que j’allais me disloquer. »
Escalader les nuages, Éditions Conspiration, 2023
> Extrait de la pièce de théatre « L’Échantignolle » <
« Chut !
Ecoute !
Ecoute ta musique !
Ecoute en toi !
Si je te creusais en flûte, tu me chanterais un air…
Je rêverais peut-être en t’écoutant,
Je rêverais tellement que je m’endormirais… !
Alors le silence… le silence du sommeil…
Le silence quand j’arrêterais de te jouer… en m’endormant,
Ce silence là de ta musique qui se tait doucement,
me ferait dormir d’un sommeil de merveille,
un sommeil où la musique est un silence qui berce.
Comme sur un très petit bateau,
au bord du bord de l’eau,
doucement bercé par le courant.
Si je te creusais en flûte, tu deviendrais bateau.
On entendrait siffler le vent au-dessus du clapot.
Un bateau sans cabine, sans mat et sans toit,
juste toi et moi, toi, petite coque de noix,
et moi, endormi en cale de toi.
Si je te creusais en flûte…
Si je te creusais bateau, tu ne serais pas cargo,
Tu ne serais paquebot, seulement très petit canot.
Ancienne cale de poutre, é-chan-ti-gnolle tombée à l’eau, portée par le courant,
devenue cale de bateau…
Si je te creusais bateau.
J’embarquerais sur ton dos, on prendrait l’eau et on partirait sur l’écume des rêves.
Tu serais galion, je serais pirate, on affronterait les tempêtes, on traverserait l’océan de la rivière et on découvrirait le Nouveau Monde dans la prairie en face.
Si je te creusais bateau, tu me ferais marin, capitaine, aventurier des songes… explorateur !
Mais tu es bien trop petit pour être même un petit bateau.
Tu es juste assez grand pour abriter mes rêves d’enfants, mes rêves de ce que tu pourrais être.
Si tu étais plus grand.
Mes rêves que je ne rêve plus, maintenant que je suis grand. »