Léonard DE VINCI

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Né le 14 avril 1452 à Vinci (Toscane, Italie) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), Léonard de Vinci (en italien : Leonardo di ser Piero da Vinci, dit Leonardo da Vinci) est un peintre italien polymathe, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes, scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, sculpteur, peintre, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, philosophe et écrivain.

Léonard de Vinci est souvent décrit comme le symbole de l’esprit universel de la Renaissance, l’uomo universale ou un génie scientifique. Mais il semble que Léonard lui-même exalte son art afin de gagner la confiance de ses commanditaires et la liberté d’effectuer ses recherches. De plus, les biographes du XVIe siècle écrivent des récits fort dithyrambiques de la vie du maître alors principalement connu pour ses peintures. Seules la transcription du Codex Atlanticus et la découverte de plus de 6 000 feuillets de ses notes et traités à la fin du XVIIIe siècle mettent en valeur les recherches de Léonard.

> Texte « Un effet de nuage sur le lac Majeur » <

« 252. — Les auteurs disent que les étoiles ont une lumière propre, alléguant que s’il en était autrement pour Vénus et Mars, quand ils s’interposent entre notre œil et le soleil, ils obscurciraient autant le soleil, que s’ils le cachaient à notre œil. C’est faux, car il est prouvé que l’ombre placée au milieu du lumineux est entourée et couverte de rayons latéraux pour le maintien de telle lumière qui ainsi reste invisible.

Cela se démontre quand on voit le soleil à travers la ramification des plantes sans feuille, à longue distance, les rameaux n’occupent aucune part du soleil à nos yeux.

Il arrive de même aux planètes susdites qui, sans avoir de lumière propre, ne dérobent à nos yeux aucune partie du soleil.

Seconde preuve. — Ils disent que les étoiles dans la nuit paraissent d’autant plus claires qu’elles sont plus élevées et que si elles n’avaient de lumière propre, l’ombre que fait la terre s’interposant entre elles et le soleil, on les verrait s’obscurcir, nous ne les verrions plus, et elles ne seraient pas perçues du corps terrestre. Ils n’ont pas considéré que l’ombre pyramidale de la lune ne parvient pas en excès aux étoiles qu’elle atteint ; la pyramide diminue, selon l’espace qu’occupe le corps de l’étoile, et elle reste illuminée par le soleil.

253. — Si tu regardes les étoiles en évitant le scintillement (comme tu feras en regardant par un très petit trou, fait avec l’extrême pointe d’une fine aiguille et que ce trou soit placé presque à toucher l’œil), tu verras les étoiles si petites que rien ne saurait paraître aussi petit : et vraiment la longue distance affaiblit leur rayonnement, encore que beaucoup soient infiniment plus grandes que la terre et l’eau. Songe à ce que paraîtrait être notre monde, à une semblable distance. Considère ensuite combien d’étoiles pourraient s’intercaler en longueur et en largeur, entre celles que tu vois, si clairsemées dans l’espace nocturne.

Je ne peux m’empêcher de blâmer vivement ces anciens auteurs qui disaient que le soleil n’est pas plus grand qu’il ne parait.

Parmi ceux-là fut Épicure ; il tirait cette opinion d’un luminaire placé dans notre air et équidistant au centre : qui le voit, ne le voit jamais moins grand à aucune distance. (R. 860.)

Les rayons de sa grandeur et vertu je les réserve au quatrième livre. Mais je m’étonne bien que Socrate blâmât ce corps céleste et qu’il le comparât à une pierre enflammée ; et, certes, qui le punit de telle erreur pèche peu.

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Je voudrais avoir des mots qui me servissent à blâmer ceux qui veulent louer et adorer les hommes plutôt que le soleil, ne voyant pas dans l’univers un corps aussi magnifique et d’égale vertu.

Sa lumière éclaire tous les corps célestes qui sont dans l’univers ; toute la vie descend de lui : car la chaleur dans les animaux vivants vient du cœur ; et il n’y a dans l’univers aucune autre chaleur ni lumière, comme je le montrerai dans le livre IV.

Et certes ceux qui ont voulu adorer les hommes comme dieux, Jupiter, Saturne, Mars et autres, ont commis une grande erreur. Voyant encore que l’homme soit grand par rapport à notre monde qui paraît une petite étoile, c’est-à-dire un point dans l’univers, et voyant encore les hommes mortels et putrides et corruptibles dans leur sépulture, la « Sphère » et « Marullus[1] » avec beaucoup d’autres louent le soleil. (F. 5, r.)

254. — Épicure dit que le soleil a la grandeur qu’il paraît avoir : donc ce qui paraît être d’un pied, c’est comme si nous le tenions. Il s’ensuivrait que la lune, quand elle obscurcit le soleil, ne serait pas aussi grande qu’elle est. Sachant que la lune est plus petite, elle serait moins d’un pied et par conséquent, quand notre monde obscurcit la lune, il serait moins dudit pied.

Ainsi, le soleil étant d’un pied et notre terre faisant ombre pyramidale sur la lune, il est nécessaire que la lumineuse cause de la pyramide d’ombre soit plus grande que la cause opaque de cette pyramide. (F. 6, r.)

255. — Épicure voit peut-être les ombres des colonnes, reflétées sur les murs placés devant, égales au diamètre de la colonne. Étant donné le concours de l’ombre parallèle de sa naissance à sa fin, il juge que le soleil forme le front de cette parallèle et par conséquent ne doit pas être plus gros que cette colonne : il ne s’avise pas que cette dimension d’ombre est insensible, à cause de l’éloignement du soleil.

Si le soleil était plus petit que la terre, les étoiles dans la plus grande partie de notre hémisphère seraient sans lumière. (F. 4, v.)

256. — Mesure combien de soleils s’intercaleraient dans ce cours de vingt-quatre heures. Si Épicure dit que le soleil n’est pas plus grand qu’il paraît, — prenant le diamètre du soleil en mesure de pieds et que le soleil entre mille fois dans son cours de vingt-quatre heures — il aurait un cours de mille pieds, soit cinq cents brasses, qui est un sixième de mille.

Or, le cours du soleil, dans le jour et la nuit, parcourrait la sixième partie d’un mille et cette vénérable lumière de l’astre aurait cheminé à raison de vingt-cinq brasses par heure. (F. 8, r.)

257. — Du soleil : Ils disent que le soleil n’est pas chaud, parce qu’il n’a pas couleur de feu, mais plutôt blanche et claire.

On peut répondre que lorsque le bronze liquéfié est le plus chaud, il est plus semblable à la couleur du soleil, tandis que refroidi il présente davantage la couleur du feu. (F. 10, r.)

258. — Je prouverai que le soleil, par sa nature, est chaud, et non froid, comme on a dit.

Le miroir concave étant froid, mais recevant les rayons du feu, il réfléchit plus de chaleur que le feu lui-même.

La boule de verre, pleine d’eau froide, envoie au dehors ses rayons, près du feu, plus chauds que le feu lui-même.

Il résulte de ces deux expériences que les rayons venus du miroir concave ou de la boule d’eau froide sont chauds par vertu et non parce que le miroir et la boule sont chauds.

Il en est de même du soleil qui passant par les corps les chauffe au moyen de sa vertu. Et on a conclu que le soleil n’était pas chaud, — lui que la même expérience montre comme un foyer de chaleur : et cela se démontre au moyen du miroir et de la boule qui étant froids absorbent les rayons de la chaleur du feu et en font des rayons chauds parce que la cause première est chaude ; il arrive de même pour le soleil qui, étant chaud, en passant par des miroirs froids reflète grande chaleur.

Ce n’est pas la splendeur du soleil qui chauffe, mais sa chaleur naturelle. (G. 34, r ; F. 34, r.)

259. — Les rayons solaires passent par la froide région de l’air et ne changent pas leur nature, ils passent par des verres pleins d’eau froide et du reste, par quelque lieu transparent qu’ils passent, c’est comme s’ils pénétraient dans l’air même. (F. 85, v.)

260. — La terre n’est pas au milieu du cercle du soleil, ni au centre du monde, mais elle est au milieu de ses éléments qui raccompagnent et lui sont unis. (F. 44, v.)

261. — Les taches que l’on voit à la pleine lune ne varient jamais durant le mouvement que l’astre fait dans notre hémisphère. (F. 85, r.)

262. — Si la lune est dense, elle est pesante et ne peut être soutenue par l’espace qu’elle occupe ; elle devrait donc descendre vers le centre de l’univers, s’unir à la terre, et, à son défaut, ses eaux devraient tomber : ce qui devrait se produire naturellement, ne se produit pas. Car la lune est vêtue de ses propres éléments, eau, air, feu, et se soutient aussi dans l’espace comme fait notre terre, avec ses éléments, dans cet autre espace. Et les corps denses font dans leurs éléments précisément ce qu’ils font dans les nôtres. (R. 902.)

263. — La lune : 1o Rien de très léger n’est opaque.

2o Rien de plus léger ne demeure sous le plus lourd.

3o Si la lune a site au milieu de ses éléments ou non ?

Si elle n’a pas site particulier, comme la terre dans ses éléments, comment ne tombe-t-elle pas au centre de notre système ?

Si la lune n’est pas au milieu de ses éléments et ne descend pas, elle est plus légère que l’autre élément ? Et si la lune est plus légère que l’autre élément, pourquoi est-elle solide et non transparente ? (F. 41, v.)

264. — La lune dense et lourde. Comment se tient-elle, la lune ? (R. 892.)

265. — Rien de dense n’est plus léger que l’air.

Nous avons prouvé que la partie de la lune qui brille est aqueuse, et, tournée vers le corps du soleil, elle reflète la splendeur qu’elle reçoit ; et comme si cette eau fût sans onde, elle paraît petite, mais d’un éclat presque semblable à celui du soleil ; à présent il faut chercher si la lune est un corps lourd ou léger ; s’il est grave, confessons, que sa terre à elle, à tant de hauteur, acquiert un degré de légèreté, — or l’eau est plus légère que la terre, et l’air que l’eau, et le feu que l’air, et ainsi de suite successivement ; il paraît que si la lune avait densité, comme elle l’a, elle aurait gravité ; et ayant gravité, que l’espace où elle se trouve ne pourrait la soutenir et par conséquence elle devrait descendre vers le centre de l’univers et s’unir à la terre. Et si du moins ses eaux venaient à tomber, et à la quitter, et à couler vers le centre, la lune resterait dépouillée et sans lustre. Donc, ne suivant pas la raison évidente, il est manifeste que la lune est vêtue de ses éléments, savoir : eau, air et feu, et en elle et par elle-même se soutient dans l’espace, comme fait notre terre avec ses éléments dans un autre espace, et que c’est office des choses graves dans leurs éléments, comme font les choses graves dans nos propres éléments. (F. 69, v.)

266. — Tout son est causé par l’air répercuté dans un corps dense et, s’il a lieu dans deux corps lourds, c’est l’air ambiant qui les entoure, qui opère, et cette conflagration consume les corps frottés. Donc, il s’ensuivrait que les cieux, dans leur frottement, n’ayant pas d’air entre eux, ne gênèrent aucun son[2].

Et si ce frottement était vrai, les cieux, en tant de siècles qu’ils accomplissent leurs révolutions, seraient consumés par l’énorme vitesse qu’ils déploient chaque jour ; et s’ils faisaient un son, il ne se répandrait pas, puisque le son de la percussion fait sous l’eau se sent peu, et de moins en moins, dès que les corps sont plus denses. Entre les corps lisses, il n’y a pas de frottement et ainsi il ne peut y en avoir dans le contact ou frottement des cieux ; et si ces cieux ne sont pas lisses au contact de leur frottement, ils seront globuleux et rugueux, et dès lors leur contact n’est pas continu, et c’est comme s’ils généraient le vide, lequel n’existe pas dans la nature.

On conclut que le frottement aurait consumé les extrémités de chaque ciel et d’autant plus qu’il serait rapide, plutôt dans son milieu qu’aux pôles. Puis, moins ils se frotteraient, moins le son existerait et leurs rondes s’arrêteraient, si deux ciels tournaient l’un à l’orient et l’autre au septentrion. (C. A. 122. v.) »

Traduction (1907) par Joséphin Péladan

> Texte « Représentation du déluge » <

« 515. — L’air sera obscur, à cause de la pluie serrée frappant obliquement, sous la pression transversale du vent et faisant des ondes dans l’air, comme on le voit par la poussière, avec cette différence que cette inondation sera traversée par les lignes que forment les gouttes de l’eau qui tombe. Mais sa couleur viendra du feu engendré par la foudre, fendant et déchirant les nues, dont les flammes frapperont et ouvriront les abîmes des vallées remplies, dont les ouvertures montreront dans leurs abris le haut des plantes courbé. Et Neptune se voit au milieu des eaux avec son trident et aussi Éole avec ses vents enveloppant les plantes arrachées et qui flottent dans l’énorme courant.

L’horizon, avec toute l’hémisphère, sera troublé et en feu par les flammes incessantes de la foudre. On verra les hommes et les oiseaux remplir les grands arbres non encore couverts par la croissance des eaux, et d’autres sur les collines et d’autres autour des grands gouffres. (G. 6, v.)

On verra l’atmosphère obscure et nébuleuse combattue par le cours de vents contraires et désordonnés par la pluie continuelle et mêlée de grêle, et entraînant une infinité de branchages arrachés avec toutes leurs feuilles. Aux alentours, on voit les plus anciennes végétations déracinées et brisées par la fureur du vent et la ruine des monts déjà déchaussés, par le cours de leurs fleuves, s’éboulant dans ces mêmes fleuves et obstruer leurs vallées ; et ces fleuves débordant, inondant et submergeant les terres et leurs habitants.

Encore vous auriez pu voir, sur la cime de beaucoup de montagnes, les animaux les plus variés réunis ensemble par la peur et réduits au contact familier en compagnie des hommes qui fuient avec leurs femmes et leurs enfants.

La campagne submergée montre ses ondes couvertes de tables, de couchettes, de barques et autres objets accommodés par la nécessité et dans la peur de la mort. Sur ces objets, des femmes et des hommes avec leurs enfants crient et se lamentent épouvantés de la fureur du vent, qui en tempête retourne l’eau sens dessus dessous, avec les morts qu’elle a noyés. Aucune chose plus légère que l’eau qui ne fut couverte de divers animaux. Ceux-ci, faisant trêve, se tenaient ensemble, en un groupement peureux, loups, renards, serpents de toute sorte qui fuient la mort. Et toute l’onde frappant les rivages, les attaquant avec le choc des corps noyés et ces corps achevant de tuer ceux qui gardent un reste de vie.

On peut voir des groupes d’hommes qui à main armée défendent le petit espace qui leur reste contre les lions, les loups et autres rapaces qui viennent y chercher leur salut.

Oh ! quelles rumeurs effrayantes on entend dans l’air obscur, déchiré par la fureur du tonnerre et les fulgurances de ces secousses qui dévastent et passent, frappant tout ce qui leur fait obstacle ! Oh ! combien vous en auriez vu boucher leurs oreilles avec leurs mains pour ne pas entendre l’immense rumeur qui emplit l’air ténébreux de la fureur des vents mêlés a la pluie, aux tonnerres célestes et à la fureur de la foudre.

D’autres ne se bornent pas à fermer leurs yeux, ils y posent leurs mains superposées et les serrent pour ne pas voir le cruel destin que la colère de Dieu fait à l’espèce humaine.

Oh ! quels désespoirs et combien d’affolés se précipitent du haut des rochers ! On voit les rameaux d’un grand chêne chargé d’hommes transporté dans l’air par l’impétuosité du vent.

Autant qu’elles sont, les barques sont renversées les unes entièrement, les autres en morceaux sur les gens qui se débattent, pour leur salut, avec des attitudes et des mouvements douloureux, sentant la mort menaçante. D’autres en désespérés se suicident, désespérant de pouvoir supporter pareille angoisse ; les uns se jettent du rocher, les autres s’étranglent de leurs propres mains, d’autres prenant leurs enfants très rapidement les jettent au remblai, d’autres se frappent de leurs armes et se tuent eux-mêmes, mêmes, d’autres tombent à genoux se recommandant à Dieu.

Oh, combien de mères pleurent leurs fils noyés qu’elles tiennent sur leurs genoux, levant leurs bras ouverts vers le ciel et d’une voix qui hurle maudissent la colère divine. D’autres, mains jointes et crispées, se mordent d’une dent cruelle comme s’ils se dévoraient, priant avec supplication, écrasés par une immense et insupportable douleur.

On voit les troupeaux d’animaux, chevaux, bœufs, chèvres déjà entourés d’eau et restés isolés sur la haute cime des monts ; ils reculent ensemble et ceux du milieu s’élèvent en haut et marchent sur les autres et cela fait entre-eux grande mêlée et beaucoup meurent par manque de nourriture.

Et les oiseaux se posent sur les hommes et sur d’autres animaux, ne trouvant plus de terre découverte qui ne soit occupée par des vivants ; déjà la faim, servante de la mort, a ôté la vie à beaucoup d’animaux ; et les corps morts déjà soulevés montent du fond de l’eau et surgissent à la surface. Dans le combat des ondes qui entre elles l’une l’autre se harcèlent et, comme une balle pleine de vent, bondissent en arrière du lieu de leur percussion, les eaux deviennent la source des morts prédites.

Et sur toute cette malédiction, l’air étend des nuées obscures divisées par les mouvements serpentins de la foudre céleste en furie, illuminant tantôt ici, tantôt là, l’horreur des ténèbres.

On voit le mouvement de l’air au milieu de celui de la poussière soulevée comme par la course du cheval et ce mouvement est si rapide à remplir le vide, que de lui-même il rejette l’air qui le revêt ; telle est la vélocité de ce cheval à fuir devant l’air susdit.

Et il te paraîtra raisonnable peut-être de me reprendre d’avoir figuré la vue faite par l’air du mouvement du vent, car le vent par lui-même ne se voit pas dans l’air. À quoi on répond, non qu’il s’agit du mouvement du vent, mais des choses qu’il met en mouvement et qui seules le manifestent.

Ténèbres, vent, tempête marine, déluge d’eau, forêt en feu, pluie, foudre du ciel, tremblement de terre, éboulement de montagne, villes rasées !

Vents tourbillonnants qui portent l’eau, les branches et les hommes dans l’air !

Branches arrachées par le vent, mêlées dans l’ouragan aux gens qui sont dessus.

Arbres déracinés chargés d’hommes.

Navires réduits en pièces et battus contre les écueils !

Sur les troupeaux, grêle, foudre, vents vertigineux !

Gens gîtés sur les arbres et qui ne peuvent se soutenir ; arbres et rochers, tours, collines pleines d’humains, planches, vaisseaux et autres instruments pour surnager ; collines couvertes d’hommes, de femmes, d’animaux, et foudre des nuages qui illumine toutes ces choses !

Il faut figurer d’abord la cime d’une âpre montagne avec une vallée à sa base ; et sur les côtés, on voit l’écorce de la terre se soulever avec les minces racines des petits rejetons et dénuder ainsi beaucoup des rochers d’alentour, descente calamiteuse d’un tel éboulement ; l’eau par la turbulence de la course va frappant et déchaussant les liens, les bulbes et racines des grands arbres et les ruine, comme il est dit. Et sur les montagnes dénudées s’ouvrent profondes fissures faites par les anciens tremblements de terre ; et les pieds des montagnes sont en grande partie soutenus et vêtus des débris des arbustes précipités des côtés de la haute cime et mêlés à la fange ; racines, rameaux et feuilles se mêlent dans la boue, la terre et les cailloux.

Et les ruines de certains monts tombent dans la profondeur des vallées et font obstacle à l’eau enflée du fleuve ; et cet obstacle bientôt surmonte l’eau, court violemment et va ruiner et frapper les murs de la cité et les habitations de la vallée.

Et les ruines des autres édifices de la cité jettent une grande poussière, l’eau s’élève en forme de fumée. En désordre, les nuées s’agitent contre la pluie qui descend.

Mais l’eau débordante va tournoyant vers la mer qui l’absorbe et avec des ricochets et des tourbillons aux divers objets, frappant et giclant en l’air avec une écume boueuse, puis retombant et faisant rejaillir en l’air l’eau frappée. Et les ondes circulaires qui fuient le lieu du choc cheminent avec violence au travers, sur le mouvement des autres ondes circulaires qui se meuvent dans le sens contraire et après le choc jaillissent en air, sans se détacher de leur base.

Et à la sortie d’un tel abîme, on voit les ondes mortes se répandre à l’inverse de leur sortie et, tombant ou descendant à travers l’air, elles acquièrent du poids et un mouvement impétueux ; ensuite pénétrant l’eau frappée qui s’ouvre et heurte furieusement à la percussion du fond, d’où ensuite repoussée, elle rebondit à la surface de l’abime, accompagnée de l’air qu’elle a submergé avec elle. Elle ressort en écumant, mêlée avec des bois et autres choses plus légères que l’eau, autour desquelles, selon son principe, elle accroît son circuit et partant acquiert du mouvement ; ce qui la fait plus basse, quand elle prend une base plus large, cela est peu perceptible dans la consommation. L’onde, repoussée par de variés objets, alors jaillit sur l’approche de l’autre onde, observant l’accroissement de la même curvité, qu’elle avait acquise selon l’observation du mouvement commencé. Mais si la pluie dans sa descente des nuages est de même couleur qu’eux, savoir dans sa partie ombrée ; si déjà les rayons solaires ne la pénètrent pas : et si cela était, la pluie se montrerait de moindre obscurité que le nuage. Et si les énormes poids des grandes ruines des grands monts et autres importants monuments, en tombant, frappaient les grands abîmes de l’eau, alors jaillirait une grande quantité en l’air et son mouvement présenterait l’aspect contraire à celui de la percussion de l’eau, savoir l’angle de réflexion étant égal à l’angle d’incidence.

Des choses portées par le cours de l’eau, celle qui s’éloignera le plus de la rive opposée sera la plus lourde ou de plus grand volume.

Les tournants de l’eau dans ses parties sont d’autant plus rapides qu’ils sont plus voisins de son centre. La cime de l’onde marine descend auparavant à sa base, battant et s’écrasant sur la rondeur de sa surface : et cette conflagration, broyée en petites particules d’eau retombante, se change en gros nuage et se mêle au cours des vents à la manière d’une fumée désordonnée et une révolution nuageuse se lève dans l’air et se convertit en nuée. Mais la pluie, qui descend à travers l’air dans son action combattive et frappée par le cours du vent, se fait rare ou dense, selon la rareté ou la densité des vents, et ainsi se génère dans l’air une inondation de transparence, faite de la tombée de la pluie qui est proche de l’œil qui la voit.

L’onde marine que frappe l’obliquité des monts qui avec elle se combine, sera écumante et rapide contre le dos des collines et dans le tournant se rencontrera avec la venue de la seconde eau, et ensuite le grand bruit revenant, avec grande inondation, ira à la mer d’où elle est partie. Grande quantité de peuples d’humains et d’animaux divers se virent périr par cette montée du déluge vers la cime des monts voisins de l’eau susdite. (R. 327.) »

Traduction (1907) par Joséphin Péladan